(Publié la premiere fois en 2005)
La réalité politique était probablement bien plus simple il y a encore quelques années sur le continent. C'était l'époque des tout puissants partis uniques regroupant d'office l'ensemble des citoyens. Mais avec le sommet de la Baule de Francois Mitterand et l'effondrement du mur de Berlin, une mutation de taille s'est produite en Afrique. Une nouvelle conception des rapports politiques au plan interne a fait jour, obligeant la plupart des Etats Africains à copier le schéma en vigueur des démocraties libérales. Désormais,face au parti au pouvoir, se positionnent des partis d'opposition.
Cette bipolarisation du jeu politique est considérée comme une condition, voire une caractéristique de la démocratie moderne.
Une dizaine d'années après ce vent de renouveau, le processus de démocratisation poursuit son chemin, assez péniblement souvent. L'opposition africaine reste une équation non résolue par la classe politique dans son ensemble. Pour les régimes en place, elle est au mieux un élément du décor, sinon un ennemi à abattre.
Dans tous les cas, les partis d'opposition sont à détruire, la différence ne résidant que dans le procédé. Les plus primitifs des tenants du pouvoir ont systématiquement recours aux méthodes fortes et brutales. Avec eux, les leaders de l'opposition ont vite fait de devenir de fidèles abonnés des prisons et autres lieux de privation de liberté. Le moindre avis qu'ils émettent sur la gestion des affaires publiques tombe sous le délit moyenâgeux d'offense au chef de l'Etat. S'en suit, assez logiquement, la déchéance des droits politiques.
Pris sous un tel éteignoir beaucoup d'opposants africains se résignent à emprunter la voie de l'exil. Les plus téméraires refusent cette forme d'abdication, optant délibérément de courir le risque de finir leur jour dans les geôles, ou, plus simplement dans un mystérieux accident. Heureusement, cette manière de venir à bout des opposants politiques est en train de perdre du terrain.
Les pressions multiples de la société civile et des bailleurs de fonds y sont certainement pour quelque chose. Contraints de se montrer sous l'image de démocrates, les gouvernements africains ont troqué le bâton contre la carotte. Tous les moyens sont mis en branle pour constituer des gouvernements de large ouverture. Les opposants ou ceux qui se réclamaient tels acceptent de reconsidérer leurs positions moyennant des avantages matériels. Aux oubliettes les convictions, finis les discours dénonciateurs que l'on proférait à longueur de journée.
Le pouvoir, que l'on trouvait si mauvais il y a seulement quelques temps, devient soudainement si bon. Pas étonnant que ces nouveaux convertis poussent le ridicule à son summum en se montrant parfois plus royalistes que le roi. Les grands efforts qu'ils consentent pour justifier leur comportement ne sont que l'expression du malaise profond dans lequel ils se trouvent. Mais bien plus grave, est le reflet du degré de conscience que les oppositions africaines ont de leur utilité dans le bon fonctionnement des processus démocratiques.
S'il est établi que la vocation première d'un parti politique est la conquête du pouvoir d'Etat, il n'est pas moins vrai que les hommes politiques du continent font montre d'une précipitation déconcertante. Certes, il y a des exceptions dont la figure emblématique est aujourd'hui Abdoulaye Wade. Cet homme, à l'image de François Mittérand qui a passé près de la moitié de son existence dans l'opposition, a mené une bataille méthodique.
Les observateurs s'en sont aperçus, ses passages dans les gouvernements du président Abdou Diouf relevaient beaucoup plus du calcul et de la stratégie politiques que de la compromission. Le fait est dramatique et il faudrait même en pleurer. Bon nombre de partis d'opposition se créent sans aucun souci de participer à la vie démocratique. L'opposition africaine ignore royalement sa raison d'être.
La politique est un fonds de commerce qui ne sert qu'à engranger des intérêts bassement matériels. La léthargie dans laquelle retombe un grand nombre de partis après les campagnes électorales donne à méditer. Les populations africaines doivent revendiquer un droit de regard sur l'usage fait par les partis politiques des fonds publics qui leur sont alloués. Il y a du tout dans l'arène politique de la pauvre Afrique : des hommes de vertus, et surtout des hommes de moralité douteuse.
Le bon sens recommande que l'on soit prudent face au modèle de démocratie à parti unique prôné par l'Ouganda de Yoweri Museveni. Il est cependant pertinent de penser à mettre un bémol à la prolifération des partis politiques. En aucun cas, il n'y aura pas 36 000 manières de faire le bonheur d'un peuple ; et même en admettant cette éventualité, il n'y aura pas 36 000 programmes.
La classe politique doit penser à redorer son blason qui est plus que terni. Le pouvoir doit cesser de créer des partis dits d'opposition dans le but de biaiser le jeu démocratique. Les autres, ceux qui se réclament vrais opposants, doivent cesser, quant à eux, de s'adonner à la politique du tube digestif.
Il faut croire que le Burkina est sur la bonne voie avec la consécration au plan législatif du statut de l'opposition. Si le texte n'est pas vidé de son esprit, c'est la preuve que l'opposition est en passe d'accéder à une reconnaissance. Pour donner tout son lustre au jeu démocratique, il faut que coexistent un pouvoir qui gouverne et une opposition qui contrôle et critique. Tant que les civils ne s'efforceront pas de respecter ce schéma, le pouvoir sera dans la rue avec son cortège d'anarchie. Ce prétexte sera alors tout trouvé pour les militaires qui n'hésiteront pas à donner un coup de balai, à leur manière.
Freddy Monanga Nsambi Jr. Les Editions Le Pays - 2005
La réalité politique était probablement bien plus simple il y a encore quelques années sur le continent. C'était l'époque des tout puissants partis uniques regroupant d'office l'ensemble des citoyens. Mais avec le sommet de la Baule de Francois Mitterand et l'effondrement du mur de Berlin, une mutation de taille s'est produite en Afrique. Une nouvelle conception des rapports politiques au plan interne a fait jour, obligeant la plupart des Etats Africains à copier le schéma en vigueur des démocraties libérales. Désormais,face au parti au pouvoir, se positionnent des partis d'opposition.
Cette bipolarisation du jeu politique est considérée comme une condition, voire une caractéristique de la démocratie moderne.
Une dizaine d'années après ce vent de renouveau, le processus de démocratisation poursuit son chemin, assez péniblement souvent. L'opposition africaine reste une équation non résolue par la classe politique dans son ensemble. Pour les régimes en place, elle est au mieux un élément du décor, sinon un ennemi à abattre.
Dans tous les cas, les partis d'opposition sont à détruire, la différence ne résidant que dans le procédé. Les plus primitifs des tenants du pouvoir ont systématiquement recours aux méthodes fortes et brutales. Avec eux, les leaders de l'opposition ont vite fait de devenir de fidèles abonnés des prisons et autres lieux de privation de liberté. Le moindre avis qu'ils émettent sur la gestion des affaires publiques tombe sous le délit moyenâgeux d'offense au chef de l'Etat. S'en suit, assez logiquement, la déchéance des droits politiques.
Pris sous un tel éteignoir beaucoup d'opposants africains se résignent à emprunter la voie de l'exil. Les plus téméraires refusent cette forme d'abdication, optant délibérément de courir le risque de finir leur jour dans les geôles, ou, plus simplement dans un mystérieux accident. Heureusement, cette manière de venir à bout des opposants politiques est en train de perdre du terrain.
Les pressions multiples de la société civile et des bailleurs de fonds y sont certainement pour quelque chose. Contraints de se montrer sous l'image de démocrates, les gouvernements africains ont troqué le bâton contre la carotte. Tous les moyens sont mis en branle pour constituer des gouvernements de large ouverture. Les opposants ou ceux qui se réclamaient tels acceptent de reconsidérer leurs positions moyennant des avantages matériels. Aux oubliettes les convictions, finis les discours dénonciateurs que l'on proférait à longueur de journée.
Le pouvoir, que l'on trouvait si mauvais il y a seulement quelques temps, devient soudainement si bon. Pas étonnant que ces nouveaux convertis poussent le ridicule à son summum en se montrant parfois plus royalistes que le roi. Les grands efforts qu'ils consentent pour justifier leur comportement ne sont que l'expression du malaise profond dans lequel ils se trouvent. Mais bien plus grave, est le reflet du degré de conscience que les oppositions africaines ont de leur utilité dans le bon fonctionnement des processus démocratiques.
S'il est établi que la vocation première d'un parti politique est la conquête du pouvoir d'Etat, il n'est pas moins vrai que les hommes politiques du continent font montre d'une précipitation déconcertante. Certes, il y a des exceptions dont la figure emblématique est aujourd'hui Abdoulaye Wade. Cet homme, à l'image de François Mittérand qui a passé près de la moitié de son existence dans l'opposition, a mené une bataille méthodique.
Les observateurs s'en sont aperçus, ses passages dans les gouvernements du président Abdou Diouf relevaient beaucoup plus du calcul et de la stratégie politiques que de la compromission. Le fait est dramatique et il faudrait même en pleurer. Bon nombre de partis d'opposition se créent sans aucun souci de participer à la vie démocratique. L'opposition africaine ignore royalement sa raison d'être.
La politique est un fonds de commerce qui ne sert qu'à engranger des intérêts bassement matériels. La léthargie dans laquelle retombe un grand nombre de partis après les campagnes électorales donne à méditer. Les populations africaines doivent revendiquer un droit de regard sur l'usage fait par les partis politiques des fonds publics qui leur sont alloués. Il y a du tout dans l'arène politique de la pauvre Afrique : des hommes de vertus, et surtout des hommes de moralité douteuse.
Le bon sens recommande que l'on soit prudent face au modèle de démocratie à parti unique prôné par l'Ouganda de Yoweri Museveni. Il est cependant pertinent de penser à mettre un bémol à la prolifération des partis politiques. En aucun cas, il n'y aura pas 36 000 manières de faire le bonheur d'un peuple ; et même en admettant cette éventualité, il n'y aura pas 36 000 programmes.
La classe politique doit penser à redorer son blason qui est plus que terni. Le pouvoir doit cesser de créer des partis dits d'opposition dans le but de biaiser le jeu démocratique. Les autres, ceux qui se réclament vrais opposants, doivent cesser, quant à eux, de s'adonner à la politique du tube digestif.
Il faut croire que le Burkina est sur la bonne voie avec la consécration au plan législatif du statut de l'opposition. Si le texte n'est pas vidé de son esprit, c'est la preuve que l'opposition est en passe d'accéder à une reconnaissance. Pour donner tout son lustre au jeu démocratique, il faut que coexistent un pouvoir qui gouverne et une opposition qui contrôle et critique. Tant que les civils ne s'efforceront pas de respecter ce schéma, le pouvoir sera dans la rue avec son cortège d'anarchie. Ce prétexte sera alors tout trouvé pour les militaires qui n'hésiteront pas à donner un coup de balai, à leur manière.
Freddy Monanga Nsambi Jr. Les Editions Le Pays - 2005
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