Pour comprendre nombre de difficultés économiques et sociales négro-africaines actuelles, il faut revenir aux fondements philosophiques et éthiques de l’organisation socio-économique précoloniale dont l’Afrique kmt (noire) actuelle a hérité.
Il faut souligner en effet que dans tout espace, l’organisation des activités économiques qui est l’expression du système économique en vigueur traduit fondamentalement l’ensemble des mœurs, coutumes, traditions, traits éthiques et culturels de la société.
C’est donc fondamentalement ces mœurs, coutumes, traditions, et traits éthiques (philosophie sociale) que nous devons finir par interroger lorsque se posent des problèmes graves et persistants comme c’est le cas actuellement en Afrique kmt. Car dans toute société, le comportement économique des individus est d’abord un comportement culturel, obéissant à un certain nombre de règles et principes éthiques.
La justice mâatique : fondement de l’organisation socio-économique négro-africaine
S’agissant du système économique négro-africain précolonial, il a pris corps au sein d’un système culturel fondé sur une éthique (philosophie sociale, vision du monde) sacralisant la vie humaine et guidé avant tout par la recherche de la justice sociale, de l’harmonie entre les individus (amour) : c’est donc le principe religieux négro-africain fondamental Amour - Vérité - Justice qui en est la pièce maitresse.
Dans ce système économique, en effet, l’isolement et l’individualisme sont exclus ; l’homme n’existe qu’en tant qu’élément d’un ensemble social harmonieux : « L’individu indifférencié de la collectivité, la collectivité indifférenciée de l’individu » ; les hommes doivent vivre en harmonie entre eux et avec le milieu ambiant, la nature. De ce système de culture générale, a découlé l’organisation de la vie socio-économique, le système économique africain kmt précolonial. Celui-ci est en effet empreint d’un collectivisme général fondé sur un principe fondamental, celui de "l’assistance au faible par le fort" ; ce système économique a pour finalité l’homme, c’est-à-dire qu’à la base de l’activité productrice et des rapports qui s’établissent entre les individus du fait du processus de production, d’échange, ne se trouve pas la finalité de gain maximum absolu, comme dans le système capitaliste, mais la finalité de gain compatible avec la préservation de la vie matérielle de tous les membres de la société. Cette finalité qui découle de la sacralisation de la vie humaine, ne signifie nullement que la recherche du gain est prohibée, mais seulement que celle-ci doit être compatible avec les exigences de préservation de la vie matérielle de tous les membres de la société et doit être soumise à ces exigences.
C’est là, l’un des fondements de l’organisation de la vie socio-économique précoloniale selon le système de caste (Voir Ph. Seti : L’économie négro-africaine précoloniale, Africamaat.com). Par exemple, les castes de profession héréditaires avaient pour objet de tempérer la concurrence et de garantir à chaque individu les moyens de sa subsistance, de corriger les injustices de la sélection naturelle au cours de la « lutte pour la vie » : le fort ne doit pas écraser le faible ; de corriger les injustices sociales en général, de sécuriser la vie. Les traits éthiques du système économique africain kmt « traditionnel » dont nous venons d’indiquer les grandes lignes, laissent entrevoir une complète opposition entre ce système et le système économique capitaliste occidental qui fut transposé en Afrique kmt à la faveur de la colonisation.
En effet, le fondement éthique du capitalisme occidental est l’ordre naturel (la loi naturelle : entendu la sélection naturelle) et l’individualisme : chaque individu ne doit rechercher que ses intérêts propres, et c’est ce faisant que les individus sont le plus utiles les uns autres ainsi qu’à l’ensemble de la société, si l’on en croit l’idéologie capitaliste. C’est donc « chacun pour soi et dieu pour tous » ; par ailleurs, l’initiative ainsi que la responsabilité de l’individu s’élèvent au rang de valeur morale justifiant que chacun puisse poursuivre la finalité de gain maximum absolue. Ce système économique est enfin caractérisé par le culte de la compétition et donc de l’émulation. C’est pour cela que les économistes le qualifient d’économie de libre concurrence.
Ainsi, le système économique africain précolonial et le système économique capitaliste occidental sont fondés sur deux cultures, philosophies sociales et vision du monde opposées. Ils coexistent cependant au sein de la société négro-africaine actuelle. Pour cela on qualifie l’économie négro-africaine actuelle de dualiste. Toutefois, bien que les négro-africains actuels restent tiraillés entre les deux systèmes, à l’examen, le schéma culturel dominant demeure celui du système économique négro-africain précolonial quand bien même il est plus ou moins altéré. Pour cette raison, c’est dans les dispositions de cette organisation socio-économique qu’il faut rechercher la source première d’un certain nombre de difficultés actuelles de l’Afrique kmt.
Economie de monopole, frein au progrès.
Nous avions vu à travers les récits des visiteurs étrangers précoloniaux (Voir Ph. Seti : L’économie négro-africaine précoloniale, Africamaat.com) que l’opulence, mais également l’ordre, la justice et la sécurité caractérisaient la vie socio-économique négro-africaine précoloniale. Ces caractéristiques traduisaient sans conteste le succès de l’organisation économique et sociale kmt traditionnelle.
Cependant, certains des mécanismes sur lesquels celle-ci est fondée, au rang desquels le système de caste de professions héréditaires et la philosophique maatique, tendaient à la condamner au dépérissement tôt ou tard. Incontestablement, toutefois, l’organisation en castes de professions héréditaires assortie du principe d’entraide mutuelle, d’assistance du fort au faible, a corrigé les injustices de l’ordre naturel et sécurisé la vie dans l’Afrique kmt. Jusqu’à un certain degré, en effet, l’insécurité, l’angoisse, l’incertitude, les aléas... du future proche et lointain etc. qui sont liées à l’isolement des individus, à la vie individualiste ont été éliminés : celui dont les moyens de subsistance venaient à s’épuiser se voyait pris en charge par les autres et n’avait rien à craindre pour son existence. Le revers est cependant les nombreux effets pervers, sources notables de difficultés aujourd’hui encore en Afrique kmt.
En effet, en sécurisant complètement la vie, en éliminant les angoisses dues aux aléas, aux incertitudes du futur, l’assistante du fort au faible et l’entraide mutuelle ont fini par éliminer le temps future des préoccupations du négro-african : le négro-africain s’inquiète très peu du futur, procède à très peu d’anticipations sur sa vie socio-économique de moyen et long terme et reste confiné dans le temps présent où sa vie se déroule en permanence. Peut-il ainsi relever les défis à lui lancés par le monde moderne où c’est aujourd’hui que l’on travaille pour la société qui sera dans 20, 30, ou 40 ans plus tard ? Par ailleurs, les castes de profession héréditaires, parce qu’ils ont conduit à créer une économie et une société de monopoles, avaient supprimé du coup la concurrence qui est l’un des facteurs fondamentaux de progrès, entendu qui poussent vers l’avant l’économie et la société. Mais pire, le cadre monopolistique avait supprimé l’émulation (à savoir le comportement suivant : lorsque tu fais mieux que moi je vais essayer de te dépasser), qui demeure le facteur principal à travers lequel la concurrence engendre le progrès. Ainsi, à long terme, au cours des siècles et des millénaires, avec l’éducation résultant de ce cadre monopolistique, la jalousie et l’envie vont se substituer à l’émulation et commencer à miner progressivement la société : le comportement va alors devenir : lorsque tu fais mieux que moi je vais essayer de t’empêcher de progresser plutôt que de chercher à te dépasser. Les survivances d’un tel comportement monopolistique qui se révèle un véritable tombeau du développement ne sont que trop perceptibles dans les sociétés négro-africaines actuelles.
En outre, dans la société de castes de professions héréditaires, les efforts des individus devraient tendre, dans l’accomplissement des tâches, à égaler les performances originellement enseignées par la divinité à leurs ancêtres. Il en résultait au moins deux écueils majeurs : d’abord, progressivement et au fil du temps, s’imposait la croyance que l’innovation n’était pas fondamentalement le fait des hommes, mais seulement des dieux ; ensuite, la croyance que les hommes ne devraient pas chercher à innover, mais se contenter de reproduire les techniques, à eux légués par leurs ancêtres. En conséquence, les progrès ont de fait été lents, en matière d’innovation, en Afrique kmt, dans le temps, depuis l’époque précoloniale.
Il importe enfin de souligner que dans les sociétés négro-africaines contemporaines, malgré la disparition des castes de professions héréditaires, l’esprit qui les animait persiste. Persistent également nombre d’implications majeures de cette organisation socio-économique ancienne, notamment l’absence de culture de compétition, de concurrence et d’émulation qui sont autant de facteurs endogènes de régression. Cette absence d’émulation empêche même les pays négro-africains de voir ce qui se passe ailleurs dans le monde, de prendre part à la compétition mondiale et ce sur tous les plans : elle conduit simplement à une sorte d’auto retrait du monde, et donc d’auto - condamnation à demeurer en arrière ! Pouvons-nous relever de cette façon le défi mondial auquel nous sommes confrontés aujourd’hui ?
La philosophie maatique de l’organisation socio-économique précoloniale : source majeure de la décadence négro-africaine
La même remarque peut être faite à propos du principe d’assistance du faible au fort et d’entraide mutuelle qui fondent l’organisation socio-économique négro-africaine précoloniale.
En effet, en apportant aux individus une sécurité sociale et matérielle quasi absolue, en les mettant à l’abri de tout soucis d’ordre matériel, parce que les individus peuvent à tout moment compter sur l’assistance des autres, cette organisation, fort louable, a fini progressivement avec le temps (à long terme comme disent les économistes) par engendrer des effets pervers importants dont les survivances sont largement visibles chez les négro -africains actuels. Mentionnons, entre autres, le népotisme et l’irresponsabilité.
Népotisme : par exemple, parce que « l’assistance du fort au faible » s’applique d’abord au sein de la famille (qui reste très large chez les kmt), on constate que fréquemment aujourd’hui, dans les administrations publiques, les entreprises publiques (mais aussi les entreprises privées), les responsables, les cadres, tous les mieux lotis, « assistent » les leurs (parents, membres du clan etc.) en leur réservant des emplois, peu importe que ceux-ci correspondent à des besoins réels ou à la qualification des individus. De ceci, résultent un sacrifice de la notion du travail bien fait, de la rigueur au travail, de la recherche de la performance dans l’accomplissement des tâches etc. Toutes choses qui finissent par déboucher sur un sacrifice des rendements (la production individuelle et collective) et une minimisation de la richesse collective. Pouvons-nous prendre part de cette façon à la bataille économique mondiale moderne ? Irresponsabilité : appliqués à outrance, le principe de « l’assistance du fort au faible » et de « l’entraide mutuelle » dégénèrent en une négation pure et simple de l’initiative et de la responsabilité individuelles ; en effet, devant tout problème, comme on le voit aujourd’hui en Afrique kmt, les individus ont tendance à chercher d’abord comme solution l’aide des autres (alors que le problème demeure !) ; la prise en charge de soi par le travail et l’effort personnel est alors remplacée par le parasitisme : compter sur autrui ou vivre au crochet d’autrui (parents proches ou lointains mieux lotis) ; d’où pour la collectivité, l’ensemble de la société, un effort productif global plus faible que ce qui aurait dû être, entraînant du coup une richesse plus faible ; cette irresponsabilité prend des proportions ahurissantes lorsqu’on se rend compte qu’une « foi en l’aide des autres » s’est progressivement instaurée, poussant les individus à tout attendre des autres, de l’Etat ou de la collectivité, tandis que l’Etat attend tout de l’extérieur (aide, coopération etc.) pour répondre à ses besoins et solutionner ses problèmes. On débouche en définitive sur une société déresponsabilisée où individus et Etat sont convaincus que c’est seulement « l’extérieur » (ou même l’extérieur seul !) qui doit ou est en mesure de résoudre leurs problèmes comme cela s’observe à l’heure actuelle en Afrique kmt : c’est une démission collective qui entraîne la stagnation ou la régression économique et sociale. Le développement des négro-africains ne peut reposer ni sur la coopération externe, ni sur l’aide de l’extérieur ! Seuls les filles et fils kmt l’assureront !
Bien que l’entraide mutuelle et le principe d’assistance du fort au faible aient tendance à figer de la sorte la société et l’économie, c’est cependant le triptyque Amour-Vérité-Justice, dont ils ne sont que le corollaire qui a précipité la chute de la société négro-africaine. En effet, bien que nous sachions, comme le souligne l’historien allemand Léo Frobénius par exemple, que ce furent les conquistadors européens qui avaient mis à sac l’économie et la société négro-africaines aux temps de la traite négrière et de la colonisation, il nous faut cependant nous poser au moins une question : pourquoi nos ancêtres n’ont pas anticipé le fait que les fabuleuses richesses (naturelles et produites) dont ils disposaient et qui étaient devenues une légende dans le monde entier à l’époque (Voir Ph. Seti : L’économie négro-africaine précoloniale, Africamaat.com), allaient tôt ou tard attirer la convoitise des brigands qui les entouraient et qu’en conséquence il leur fallait prendre toutes les mesures qui s’imposaient pour protéger cette richesse et leur pays ? Par ailleurs, comment expliquer que nos ancêtres qui avaient pourtant subi par le passé, depuis kmt, des assauts récurrents des peuplades qui les entouraient tels les hyksos, les assyriens etc. aient réussi la prouesse de s’être faits surprendre de nouveau par les flibustiers du 15 ème au 19 ème siècle ?
Si nous admettons que nos ancêtres n’étaient pas des moutons (ce que je crois profondément), comment expliquer alors qu’ils se soient faits coiffer régulièrement par les hordes venant de l’étranger jusqu’à la destruction quasi-totale de leur société, autrement que par l’aveuglément résultant de leur propre philosophie de la vie, de leur propre vision éthique et du monde ? C’est pour cela que nous indexons principalement, le triptyque Amour-Vérité-Justice, principe religieux fondateur du système d’organisation économique, social et éducatif négro-africain : forcément les tares du comportement des individus que nous venons d’évoquer sont celles de cette philosophie fondamentale.
Comme nous l’avions déjà expliqué (voir article sur africamaat.com : Traite négrière européenne : la marche du souvenir et du repentir : une marche de pacotille ?), la mâat a aveuglé nos ancêtres. En effet, préoccupés uniquement par son application parfaite, afin d’avoir le cœur le plus léger possible pour que ce dernier puisse équilibrer la plume de Mâat au tribunal d’Osiris, nos ancêtres n’avaient plus les yeux ouverts sur les réalités du monde qui les entouraient ; leur comportement était déconnecté des réalités du monde qui les entouraient parce que n’étant qu’un comportement religieux et donc irrationnel par essence ; en particulier, nos ancêtres n’appréciaient plus à leur juste valeur l’hostilité, la volonté et la capacité réelles de nuisance des peuples qui les entouraient, préoccupés qu’ils étaient d’aimer les êtres humains, d’êtres justes et de servir la Vérité. Nos ancêtres se sont ainsi adonnés sans discernement au culte de l’amour universel, prenant même les brigands qui les entouraient pour « des êtres humains à aimer à tout prix ». De là nos ancêtres vont s’installer définitivement dans un culte sans borne de l’hospitalité et de l’étranger , même envers les flibustiers ! En conséquence la garde est baissée au plus bas, les dangers venant de l’extérieur sont faiblement perçus et alors la question cruciale de la protection et de la sécurité de leurs biens, de leurs enfants, d’eux-mêmes, de leur pays n’a été qu’inadéquatement abordée et traitée. Du coup ce fut une société à la merci des hordes étrangères qu’ils avaient bâtie ; la porte leur était d’ailleurs grande entrouverte. Peut-on vraiment s’étonner de l’aboutissement que nous connaissons aujourd’hui ?
En tout cas, la question de la sécurité militaire des négro-africains reste plus que jamais posée ; à l’heure actuelle rien ne nous met à l’abri d’un retour prochain des prédateurs : s’ils décident aujourd’hui de reprendre la traite négrière et la colonisation des pays négro-africains qu’est-ce qui peut véritablement les en empêcher ?
C’est donc désormais à la révision de leur éthique et de leur vision du monde que les négro-africains contemporains doivent s’atteler ; cette révision doit déboucher sur une adaptation nécessaire à l’environnement mondial dans lequel nous baignons : vivre déconnecter de son environnement n’est qu’un suicide ! L’ordre mondial qui s’était imposé depuis le 15 ème ne tolère pas cela : il a horreur des faiblesses comme celles dont font montre les négro-africains de part le monde : l’agneau qui a coutume de faire sa sieste au pays des loups ne devient-il pas un provocateur ?
Cependant que les négro-africains se rassurent : bien que nous ayons accumulé des handicaps importants du fait de notre propre vision du monde, ces handicaps ne sauraient être irréversibles. Seule l’ignorance des sources réelles de nos difficultés est en mesure de rendre ces handicaps irréversibles. C’est pourquoi il importe de poursuivre sans complexe, et de nous atteler sans relâche à, cette tâche de recherche approfondie des sources de nos difficultés, de recherche des voies et moyens de leur correction en vue de répondre aux défis modernes et d’assurer notre progrès. Nous avons, aujourd’hui, plus que jamais besoin de savoir mourir pour mieux renaître.
http://manuscritdepot.com/a.freddy-monanga.1.htm
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