Monday, June 20, 2011

L’ACTE GENERAL DE LA CONFERENCE DE BERLIN DU 26 FEVRIER 1885


Un document qui a scellé la destruction de l’Afrique par les Européens. Pour notre jeunesse, pour l’histoire, à lire !

Sa Majesté l’empereur d’Allemagne, roi de Prusse, Sa Majesté l’empereur d’Autriche, roi de Bohême et roi apostolique de Hongrie, Sa Majesté le roi des Belges, Sa Majesté le roi de Danemark, Sa Majesté le roi d’Espagne, le président des Etats-Unis d’Amérique, le président de la République française, Sa Majesté la reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, impératrice des Indes, Sa Majesté le roi d’Italie, Sa Majesté le roi des Pays-Bas , grand-duc de Luxembourg, Sa Majesté le roi du Portugal et des Algaves..., Sa Majesté l’empereur de toutes les Russies, Sa Majesté le roi de Suède et de Norvège... , sa Majesté l’empereur des Ottomans,

Voulant régler, dans un esprit de bonne entente mutuelle, les conditions les plus favorables au développement du commerce et de la civilisation dans certaines régions d’Afrique, et assurer à tous les peuples les avantages de la libre navigation sur les deux principaux fleuves africains qui se déversent dans l’océan Atlantique ; désireux d’autre part, de prévenir les malentendus et les contestations que pourraient soulever à l’avenir les prises de possession nouvelles sur les côtes de l’Afrique, et préoccupés, en même temps, des moyens d’accroître le bien-être moral et matériel des populations indigènes, ont résolu, sur invitation qui leur a été adressée par le gouvernement impérial d’Allemagne, d’accord avec le gouvernement de la République française, de réunir à cette fin une Conférence à Berlin, et ont nommé pour leur plénipotentiaires, savoir : Figure ici dans l’original, la liste complète (pour les quatorze pays invités) des noms des personnalités formant chaque délégation et qu’il n’est pas nécessaire de reprendre dans le présent énoncé pour comprendre toutes les décisions et les devoirs qui résultent de l’Acte général. Lesquels, munis de pleins pouvoirs, qui ont été trouvé en bonne et due forme, ont successivement discuté et adopté :

1° Une déclaration relative à la liberté de commerce dans le bassin du Congo, ses embouchures et pays circonvoisins, avec certaines dispositions connexes ;

2° Une déclaration concernant le traite des esclaves et les opérations qui, sur terre ou sur mer, fournissent des esclaves à la traite ;

3° Une déclaration relative à la neutralité des territoires compris dans le bassin conventionnel du Congo ;

4° Un acte de navigation du Congo, qui, en tenant compte des circonstances locales, étend à ce fleuve, à ses affluents et aux eaux qui leur sont assimilées, les principes généraux énoncés dans les articles 108 à 116 de l’acte final du Congrès de Vienne et destinés à régler, entre les puissances signataires de cet acte, la libre navigation des cours d’eau navigables qui séparent ou traversent plusieurs Etats, principes conventionnellement appliqué depuis à des fleuves de l’Europe et de l’Amérique, et notamment au Danube, avec les modifications prévues par le Traités de Paris de 1856, de Berlin de 1878, et de Londres de 1871 et 1883 ;

5° Un acte de navigation du Niger, qui, en tenant compte également des circonstances locales, étend à ce fleuve et à ses affluents les mêmes principes inscrits dans les articles 108 à 116 de l’acte final du Congrès de Vienne ;

6° Une déclaration introduisant dans les rapports internationaux des règles uniformes relatives aux occupations qui pourront avoir lieu à l’avenir, sur les côtes du continent africain ;

Et ayant jugé que ces différents documents pourraient être utilement coordonnés en un seul instrument, les ont réunis en un acte général composé des articles suivants.

CHAPITRE PREMIER

Déclaration relative à la liberté de commerce dans le bassin du Congo, ses embouchures et pays circonvoisins, et dispositions connexes.

1- Le commerce de toutes les nations jouira d’une complète liberté ;

1° Dans tous les territoires constituant le bassin du Congo et de ses affluents. Ce bassin est délimité par les crètes des bassins contigus, à savoir notamment du Niari, de l’Ogowé, du Schari et du Nil au nord, par la ligne de faite orientale des affluents du la Tanganyika, à l’est ; par les crètes des bassins du Zambèze et de la Logé, au sud. Il embrasse en conséquence, tous les territoires drainés par le Congo et ses affluents, y compris le lac Tanganyika et ses tributaires orientaux ;

2° Dans la zone maritime s’étendant sur l’océan Atlantique, depuis le parallèle situé par 2°30’ de latitude sud jusqu’a l’embouchure de la Logé. La limite septentrionale suivra le parallèle situé par 2°30’, depuis la côte jusqu’au point où il rencontre le bassin géographique du Congo, en évitant le bassin de l’Ogowé, auquel ne s’appliquent pas les stipulations du présent acte. La limite méridionale suivra le cours de la Logé jusqu’à la source de cette rivière et se dirigera de là vers l’est jusqu’à la jonction avec le bassin géographique du Congo ;

3° Dans la zone se prolongeant à l’est du bassin du Congo, tel qu’il est délimité ci-dessus, jusqu’à l’océan Indien, depuis le cinquième degré de latitude nord jusqu’à l’embouchure du Zambèze au sud ; de ce point la ligne de démarcation suivra le Zambèze jusqu’à cinq miles en amont du confluent du Shiré et continuera par la ligne de faîte séparant les eaux qui coulent vers le lac Nyassa des eaux tributaires du Zambèze , pour rejoindre enfin la ligne de partage des eaux du Zambèze et du Congo.

1- Il est expressément entendu qu’en étendant à cette zone orientale le principe de la liberté commerciale, les puissances représentées à la Conférence ne s’engagent que pour elles-mêmes, et que ce principe ne s’appliquera pas aux territoires appartenant actuellement à quelque Etat indépendant et souverain qu’autant que celui-ci y donnera son consentement. Les puissances conviennent d’employer leurs bons offices auprès des gouvernements établis sur le littoral africain de la mer des Indes, afin d’obtenir le dit consentement et, en tous cas, d’assurer au transit de toutes les nations les conditions les plus favorables.

2- Tous les pavillons sans distinction de nationalité, auront libre accès à tout le littoral des territoires énumérés ci-dessus, aux rivières qui s’y déversent dans la mer, à toutes les eaux du Congo et de ses affluents, y compris les lacs, à tous les ports situés sur les bords des eaux, ainsi qu’à tous les canaux qui pourraient être creusés à l’avenir dans le but de relier entre eux les cours d’eau ou les lacs compris dans toute l’étendue des territoires décrits à l’article 1er. Ils pourront entreprendre toute espèce de transports et exercer le cabotage maritime et fluvial ainsi que la batellerie, sur le même pied que les nationaux.

3- Les marchandises de toute provenance importées dans ces territoires sous quelque pavillon que ce soit, par la voie fluviale ou par celle de terre, n’auront à acquitter d’autres taxes que celles qui pourraient être perçues comme une équitable compensation de dépenses utiles pour le commerce et qui, à ce titre, devront également être supportées par les nationaux et pour les étrangers de toute nationalité. Tout traitement différentiel est interdit à l’égard des navires comme des marchandises.

4- Les marchandises importées dans ces territoires resteront affranchies de droits d’entrée et de transit. Les puissances se réservent de décider, au terme d’une période de vingt années, si la franchise d’entrée sera ou non maintenue.

5- Toute puissance qui exerce ou exercera des droits de souveraineté dans les territoires susvisés ne pourra y concéder ni monopole ni privilège d’aucune espèce en matière commerciale.

Les étrangers y jouiront indistinctement, pour la protection de leurs personnes et de leurs biens, l’acquisition et la transmission de leurs propriétés mobilières et immobilières, et pour l’exercice des professions, du même traitement et des mêmes droits que les nationaux. Dispositions relatives à la protection des indigènes, des missionnaires et des voyageurs, ainsi qu’à la liberté religieuse.

6- Toutes les puissances exerçant des droits de souveraineté ou une influence dans les dits territoires s’engagent à veiller à la conservation des populations indigènes et à l’amélioration de leurs conditions morales et matérielles d’existence et à concourir à la suppression de l’esclavage et surtout de la traite des noirs ; elles protégeront et favoriseront sans distinction de nationalités ni de cultes, toutes les institutions et entreprises religieuses, scientifiques ou charitables créées et organisées à ces fins ou tentant à instruire les indigènes et à leur faire comprendre et apprécier les avantages de la civilisation.

Les missionnaires chrétiens, les savants, les explorateurs, leurs escortes, avoir et collections seront également l’objet d’une protection spéciale.

La liberté de conscience et la tolérance religieuse sont expressément garanties aux indigènes comme aux nationaux et aux étrangers. Le libre et public exercice de tous les cultes, le droit d’ériger des édifices religieux et d’organiser des missions appartenant à tous les cultes ne seront soumis à aucune restriction ni entrave (ce fut néanmoins le contraire qui fut appliqué).

Régime postal

7- La convention de l’Union postale universelle révisée à Paris le 1er juin 1878 sera appliquée au bassin conventionnel du Congo. Les puissances qui y exercent ou exerceront des droits de souveraineté ou de protectorat s’engagent à prendre, aussitôt que les circonstances le permettront, les mesures nécessaires pour l’exécution de la disposition qui précède.

Droit de surveillance attribué à la Commission internationale de navigation du Congo.

8- Dans toutes les parties du territoire visé par la présente déclaration où aucune puissance n’exercerait des droits de souveraineté ou de protectorat, la Commission internationale de la navigation, instituée en vertu de l’article 17, sera chargée de surveiller l’application des principes proclamés et consacrés par cette déclaration. Pour tous les cas où des difficultés relatives à l’application des principes établis par la présente déclaration viendraient à surgir, les gouvernements intéressés pourront convenir de faire appel aux bons offices de la Commission internationale en lui déférant l’examen des faits qui auront donné lieu à ces difficultés.

CHAPITRE II

Déclaration concernant la traite des esclaves

9- Conformément aux principes du droit des gens, tels qu’ils sont reconnus par les puissances signataires, la traite des esclaves étant interdite et les opérations qui, sur terre ou sur mer, fournissent des esclaves à la traite devant être également considérée comme interdite, les puissances qui exercent ou exerceront des droits de souveraineté ou une influence dans les territoires formant le bassin conventionnel du Congo déclarent que ces territoires ne pourront servir ni de marché ni de voie de transit pour la traite des esclaves de quelque race que ce soit. Chacune de ces puissances s’engage à employer tous les moyens en son pouvoir pour mettre fin à ce commerce et pour punir ceux qui s’en occupent.

CHAPITRE III

Déclaration relative à la neutralité des territoires compris dans le bassin conventionnel du Congo

10- Afin de donner une garantie nouvelle de sécurité au commerce et à l’industrie et favoriser, par le maintien de la paix, le développement de la civilisation dans les contrées mentionnées à l’article 1er et placées sous le régime de la liberté commerciale, les hautes parties signataires du présent acte et celles qui y adhéreront par la suite, s’engagent respecter la neutralité des territoires ou parties de territoires dépendant des dites contrées, y compris les eaux territoriales, aussi longtemps que les puissances qui exercent ou qui exerceront des droits de souveraineté sur ces territoires, usant de la faculté de se proclamer neutres, rempliront les devoirs que la neutralité comporte.

11- Dans le cas où une puissance exerçant des droits de souveraineté ou de protectorat dans les contrées mentionnées à l’article 1er sous le régime de la liberté commerciale serait impliqué dans une guerre, les autres parties signataires du présent acte et celles qui y adhéreront par la suite s’engagent à prêter leurs bons offices pour que les territoires appartenant à cette puissance et compris dans la zone conventionnelle de la liberté de commerce soient, du consentement commun de cette puissance et de l’autre ou des autres parties belligérante, placés pour la durée de la guerre sous le régime de la neutralité et considérés comme appartenant à un Etat non belligérant ; les parties belligérantes renonceraient, dès lors, à étendre les hostilités aux territoires ainsi neutralisés, aussi bien qu’à les faire servir de base à des opérations de guerre.

12- Dans le cas où un dissentiment sérieux, ayant pris naissance au sujet ou dans les limites des territoires mentionnés à l’article 1er et placés sous le régime de la liberté commerciale, viendrait à s’élever entre les puissances signataires du présent acte ou des puissances qui y adhéreraient par la suite, ces puissances s’engagent, avant d’en appeler aux armes, à recourir à la médiation d’une ou plusieurs puissances amies. Pour le même cas, les mêmes puissances se réservent le recours facultatif à la procédure d’arbitrage.

CHAPITRE IV

Acte de navigation du Congo

13- La navigation du Congo, sans exception d’aucun des embranchements ni issues de ce fleuve, est et demeurera entièrement libre pour les navires marchands, en charge ou sur lest, de toutes les nations, tant pour le transport des marchandises que pour celui des voyageurs. Elle devra se conformer aux dispositions du présent acte de navigation et aux règlements à établir en exécution du même acte. Dans l’exercice de cette navigation, les sujets et les pavillons de toutes les nations seront traités, sous tous les rapports, sur le pied d’une parfaite égalité, tant pour la navigation directe de la pleine mer vers les ports intérieurs du Congo, et vice versa, que pour le grand et petit cabotage, ainsi que pour toute la batellerie sur le parcours de ce fleuve. En conséquence, sur tout le parcours et aux embouchures du Congo, il ne sera fait aucune distinction entre les sujets des Etats riverains et ceux des non-riverains, et il ne sera concédé aucun privilège exclusif de navigation soit à des sociétés ou corporations quelconques, soit à des particuliers.

Ces dispositions sont reconnues par les puissances signataires comme faisant désormais partie du droit public international.

14- La navigation du Congo ne pourra être assujettie à aucune entrave ni redevance qui ne seraient pas expressément stipulées dan le présent acte. Elle ne sera grevée d’aucune obligation d’échelle, d’étape, de dépôt, de rompre charge ou de relâche forcée. Dans toute l’étendue du Congo, les navires et les marchandises transitant sur le fleuve ne seront soumis à aucun droit de transit, quelle que soit leur provenance ou leur destination.

Il ne sera établi aucun paysage maritime ni fluvial basé sur le seul fait de la navigation, ni aucun droit sur les marchandises qui se trouvent à bord des navires. Pourront seuls être perçus des taxes ou droits qui auront le caractère de rétribution pour services rendus à la navigation même, savoir :

1° Des taxes de port pour l’usage effectif de certains établissements locaux, tels que quais, magasins etc. Le tarif de ces taxes sera calculé sur les dépenses de contribution et d’entretien desdits établissent locaux, et l’application aura lieu sans égard à la provenance des navires ni à leur cargaison ;

2° Des droits de pilotage sur les sections fluviales où il paraîtrait nécessaire de créer des stations de pilotes brevetés. Le tarif de ces droits sera fixe et proportionné au service rendu.

3° Des droits destinés à couvrir les dépenses techniques et administratives faites dans l’intérêt général de la navigation, y compris les droits de phare, de fanal et de balisage. Les droits de cette dernière catégorie seront basés sur le tonnage des navires tel qu’il résulte des paniers de bord, et conformément aux règles adoptées sur le bas Danube.

Les tarifs d’après lesquels les taxes et les droits énumérés dans les trois paragraphes précédents seront perçus, ne comporteront aucun traitement différent et devront être officiellement publiés dans chaque port. Les puissances se réservent d’examiner, au bout d’une période de cinq ans, s’il y a lieu de réviser, d’un commun accord, les tarifs ci-dessus mentionnés.

15- Les affluents du fleuve Congo seront à tous égards soumis au même régime que le fleuve dont ils sont tributaires. Le même régime sera appliqué aux fleuves et rivières ainsi qu’aux lacs et canaux des territoires déterminés par l’article 1er, §§ 2 et 3. Toutefois les attributions de la commission internationale du Congo ne s’étendront pas sur les dits fleuves, rivières, lacs et canaux, à moins de l’assentiment des Etats sous la souveraineté desquels ils sont placés Il est bien entendu aussi que pour les territoires mentionnés dans l’article 1er, § 3, le consentement des Etats souverains de qui ces territoires relèvent demeure réservé.

16- Les routes, chemins de fer ou canaux latéraux qui pourront être établis dans le but spécial de suppléer à l’innavigabilité ou aux imperfections de la voie fluviale sur certaines sections du parcours du Congo, de ses affluents et des autres cours d’eau qui leur sont assimilés par l’article 15 seront considérés, en leur qualité de moyens de communication, comme des dépendances de ce fleuve et seront également ouverts au trafic de toutes les nations. De même que sur le fleuve, il ne pourra être perçu sur ces routes, chemins de fer et canaux que des péages calculés sur des dépenses de construction, d’entretien et d’administration et sur les bénéfices dus aux entrepreneurs.

Quant au taux de ces péages, les étrangers et les nationaux des territoires respectifs seront traités sur le pied d’une parfaite égalité.

17- Il est institué une commission internationale chargée d’assurer l’exécution des dispositions du présent acte de navigation. Les puissances signataires de cet acte, ainsi que celles qui y adhéreront postérieurement, pourront, en tout temps, se faire représenter dans la dite commission, chacune par un délégué. Aucun délégué ne pourra disposer de plus d’une voix, même dans le cas où il représente plusieurs gouvernements.

Ce délégué sera directement rétribué par son gouvernement. Les traitements et allocations des agents et employés de la commission internationale seront imputés sur le produit des droits perçus conformément à l’article 14, §§ 2 et 3.

Les chiffres desdits traitements et allocations, ainsi que le nombre, le grade et les attributions des agents et employés, seront inscrits dans le compte rendu qui sera adressé chaque année aux gouvernements représentés dans la commission internationale.

18- Les membres de la commission internationale, ainsi que les agents nommés par elle, sont investis du privilège de l’inviolabilité dans l’exercice de leurs fonctions. La même garantie s’étendra aux offices, bureaux et archives de la commission.

19- La commission internationale de la navigation du Congo se constituera aussitôt que cinq des puissances signataires du présent acte général auront nommé leurs délégués. En attendant la constitution de la commission, la nomination des délégués sera notifiée au gouvernement de l’empire d’Allemagne, par les soins duquel les démarches nécessaires seront faites pour provoquer la réunion de la commission. La commission élaborera immédiatement des règlements de navigation, de police fluviale, de pilotage et de quarantaine. Ces règlements, ainsi que les tarifs à établir par la commission, avant d’être mis en vigueur, seront soumis à l’approbation des puissances représentées dans la commission.

Les infractions à ces règlements seront réprimées par les agents de la commission internationale, là où elle exercera directement son autorité, et ailleurs par la puissance riveraine.

Au cas d’un abus de pouvoir ou d’une injustice de la part d’un agent ou d’un employé de la commission internationale, l’individu qui se regardera comme lésé dans sa personne ou dans ses droits pourra s’adresser à l’agent consulaire de sa nation. Celui-ci devra examiner la plainte ; s’il la trouve prima facie raisonnable, il aura le droit de la présenter à la commission. Sur son initiative, la commission, représentée par trois au moins de ses membres, s’adjoindra à lui pour faire une enquête touchant la conduite de son agent ou employé. Si l’agent consulaire considère la décision de la commission comme soulevant des objections de droit, il en fera rapport à son gouvernement qui pourra recourir aux puissances représentées dans la commission et les inviter à se concerter sur des instructions à donner à la commission.

20- La commission internationale du Congo, chargée, aux termes de l’article 17, d’assurer l’exécution du présent acte de navigation aura notamment dans ses attributions :

1° La désignation des travaux propres à assurer la navigabilité du Congo selon les besoins du commerce international. Sur les sections du fleuve où aucune puissance n’exercera les droits de souveraineté, la commission internationale prendra elle-même les mesures pour assurer la navigabilité du fleuve. Sur les sections du fleuve occupées par une puissance souveraine, la commission internationale s’entendra avec l’autorité souveraine.

2° La fixation du tarif de pilotage et celle du tarif général des droits de navigation, prévus au 2° et 3° paragraphe de l’article 14. Les tarifs mentionnés au 1er paragraphe de l’article 14 seront arrêtés par l’autorité territoriale, dans les limites prévues au dit article. La perception de ces différents droits aura lieu par les soins de l’autorité internationale ou territoriale pour le compte de laquelle ils sont établis.

3° L’administration des revenus provenant de l’application du § 2 ci-dessus ;

4° La surveillance de l’établissement quarantenaire établi en vertu de l’article 24 ;

5° La nomination des agents dépendant du service général de la navigation et celle de ses propres employés. L’institution des sous-inspecteurs appartiendra à l’autorité territoriale sur les sections occupées par une puissance et à la commission internationale sur les autres sections du fleuve.

La puissance souveraine notifiera à la commission internationale la nomination des sous-inspecteurs qu’elle aura institués et cette puissance se chargera de leur traitement. Dans l’exercice de ses attributions, telles qu’elles sont définies et limitées ci-dessus, la commission internationale ne dépendra pas de l’autorité territoriale.

21- Dans l’accomplissement de sa tâche, la commission internationale pourra recourir, au besoin, aux bâtiments de guerre des puissances signataires de cet acte et de celles qui y accéderont à l’avenir, sous toute réserve des instructions qui pourraient être données aux commandants de ces bâtiments par leurs gouvernements respectifs.

22- Les bâtiments de guerre des puissances signataires du présent acte qui pénètrent dans le Congo sont exempts au payement des droits de navigation prévus au § 3 de l’article 14 ; mais ils acquitteront les droits éventuels de pilotage, ainsi que les droits de port, à moins que leur intervention n’ait été réclamée par la commission internationale ou ses agents aux termes de l’article précédent.

23- Dans le but de subvenir aux dépenses techniques et administratives qui lui incombent, la commission internationale instituée par l’article 17 pourra négocier en son nom propre des emprunts exclusivement gagés sur les revenus attribués à la dite commission.

Les décisions de la commission tendant à la conclusion d’un emprunt devront être prises à la majorité des deux tiers des voix. Il est entendu que les gouvernements représentés à la commission ne pourront, en aucun cas, être considérés comme assumant aucune garantie, ni contractant aucun engagement, ni solidarité à l’égard des dits emprunts, à moins de conventions spéciales conclus par eux à ce effet.

Le produit des droits spécifiés au § 3 de l’article 14 sera affecté par priorité au service des intérêts et à l’amortissement des dits emprunts, suivant les conventions passées avec les prêteurs.

24- Aux embouchures du Congo, il sera fondé, soit par l’initiative des puissances souveraines, soit par l’intervention de la commission internationale, un établissement de quarantaine qui exercera le contrôle sur les bâtiments tant à l’entrée qu’à la sortie.

Il sera décidé plus tard, par les puissances, si et dans quelles conditions un contrôle sanitaire devra être exercé sur les bâtiments dans le cours de la navigation fluviale.

25- Les dispositions du présent acte de navigation demeureront en vigueur en temps de guerre. En conséquence, la navigation de toutes les nations, neutres ou belligérantes, sera libre, en tout temps, pour les usages du commerce, sur le Congo, ses embranchements, ses affluents et ses embouchures, ainsi que sur la mer territoriale faisant face aux embouchures du fleuve.

Le trafic demeurera également libre malgré l’état de guerre, sur les routes, chemins de fer, lacs et canaux mentionnés dans les articles 15 et

26- Il ne sera apporté d’exception à ce principe qu’en ce qui concerne le transport des objets destinés à un belligérant et considérés, en vertu du droit des gens, comme articles de contrebande de guerre. Tous les ouvrages et établissements créés en exécution du présent acte, notamment les bureaux de perception et leurs caisses, de même que le personnel attaché d’une manière permanente au service de ces établissements, seront placés sous le régime de la neutralité et, à ce titre, seront respectés et protégés par les belligérants.

CHAPITRE V

Acte de la navigation du Niger

Les articles 26 à 33 compris dans ce chapitre n’étant pas relatifs au présent projet de création de l’Emphythéose Moanda, ne sont pas mentionnés afin de ne pas alourdir inutilement le présent exposé.

CHAPITRE VI

Déclaration relative aux conditions essentielles à remplir pour que des occupations nouvelles sur les côtes du continent africain soient considérées comme effectives.

34- La puissance qui dorénavant prendra possession d’un territoire sur les côtes du continent africain situé en dehors de ses possessions actuelles, ou qui, n’en ayant pas eu jusque-là, viendrait à en acquérir, et de même la puissance qui en assumera un protectorat, accompagnera l’acte respectif d’une notification adressée aux autres puissances signataires du présent acte, afin de les mettre à même de faire valoir, s’il y a lieu, leurs réclamations.

35- Les puissances signataires du présent acte reconnaissent l’obligation d’assurer, dans les territoires occupés par elle, sur les côtes du continent africain, l’existence d’une autorité suffisante pour faire respecter les droits acquis et, le cas échéant, la liberté du commerce et du transit dans les conditions où elle serait stipulée.

CHAPITRE VII

Dispositions générales

36- Les puissances signataires du présent acte général se réservent d’y introduire ultérieurement et d’un commun accord les modifications ou améliorations dont l’utilité serait démontrée par l’expérience.

37- Les puissances qui n’auront pas signé le présent acte général pourront adhérer à ses dispositions par un acte séparé. L’adhésion de chaque puissance est notifiée, par la voie diplomatique, au gouvernement de l’empire d’Allemagne et par celui-ci à tous les Etats signataires ou adhérents. Elle emporte de plein droit l’acceptation de toutes les obligations et l’admission à tous les avantages stipulés par le présent acte général.

38- Le présent acte général sera ratifié dans un délai qui sera le plus court possible et qui, en aucun cas, ne pourra excéder un an. Il entrera en vigueur, pour chaque puissance, à partir de la date où elle l’aura ratifié.

En attendant, les puissances signataire du présent acte général s’obligent à n’adopter aucune mesure qui serait contraire aux dispositions du dit acte.

Chaque puissance adressera sa ratification au gouvernement de l’empire d’Allemagne, par les soins de qui il en sera donné avis à toutes les autres puissances signataires du présent acte général. Les ratifications de toutes les puissances resteront déposées dans les archives du gouvernement de l’empire d’Allemagne.

Lorsque toutes les ratifications auront été produites, il sera dressé acte du dépôt dans un protocole, qui sera signé par les représentants de toutes les puissances ayant pris part à la Conférence de Berlin et dont une copie certifiée sera adressée à toutes ces puissances. En fois de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont signé le présent acte général et y ont apposé leur cachet.

Fait à Berlin, le vingt-sixième jour du mois de février mil huit cent quatre-vingt cinq.

Article de www.africamaat.com de 2006


http://manuscritdepot.com/a.freddy-monanga.1.htm

LE SYSTEME SOCIO-ECONOMIQUE NEGRO-AFRICAIN PRE-COLONIAL ET PRE-TRAITE: Ethique, Grandeurs et Faiblesses

 
Article de www.africamaat.com publié en 2006


Pour comprendre nombre de difficultés économiques et sociales négro-africaines actuelles, il faut revenir aux fondements philosophiques et éthiques de l’organisation socio-économique précoloniale dont l’Afrique kmt (noire) actuelle a hérité.

Il faut souligner en effet que dans tout espace, l’organisation des activités économiques qui est l’expression du système économique en vigueur traduit fondamentalement l’ensemble des mœurs, coutumes, traditions, traits éthiques et culturels de la société.

C’est donc fondamentalement ces mœurs, coutumes, traditions, et traits éthiques (philosophie sociale) que nous devons finir par interroger lorsque se posent des problèmes graves et persistants comme c’est le cas actuellement en Afrique kmt. Car dans toute société, le comportement économique des individus est d’abord un comportement culturel, obéissant à un certain nombre de règles et principes éthiques.

La justice mâatique : fondement de l’organisation socio-économique négro-africaine

S’agissant du système économique négro-africain précolonial, il a pris corps au sein d’un système culturel fondé sur une éthique (philosophie sociale, vision du monde) sacralisant la vie humaine et guidé avant tout par la recherche de la justice sociale, de l’harmonie entre les individus (amour) : c’est donc le principe religieux négro-africain fondamental Amour - Vérité - Justice qui en est la pièce maitresse.

Dans ce système économique, en effet, l’isolement et l’individualisme sont exclus ; l’homme n’existe qu’en tant qu’élément d’un ensemble social harmonieux : « L’individu indifférencié de la collectivité, la collectivité indifférenciée de l’individu » ; les hommes doivent vivre en harmonie entre eux et avec le milieu ambiant, la nature. De ce système de culture générale, a découlé l’organisation de la vie socio-économique, le système économique africain kmt précolonial. Celui-ci est en effet empreint d’un collectivisme général fondé sur un principe fondamental, celui de "l’assistance au faible par le fort" ; ce système économique a pour finalité l’homme, c’est-à-dire qu’à la base de l’activité productrice et des rapports qui s’établissent entre les individus du fait du processus de production, d’échange, ne se trouve pas la finalité de gain maximum absolu, comme dans le système capitaliste, mais la finalité de gain compatible avec la préservation de la vie matérielle de tous les membres de la société. Cette finalité qui découle de la sacralisation de la vie humaine, ne signifie nullement que la recherche du gain est prohibée, mais seulement que celle-ci doit être compatible avec les exigences de préservation de la vie matérielle de tous les membres de la société et doit être soumise à ces exigences.

C’est là, l’un des fondements de l’organisation de la vie socio-économique précoloniale selon le système de caste (Voir Ph. Seti : L’économie négro-africaine précoloniale, Africamaat.com). Par exemple, les castes de profession héréditaires avaient pour objet de tempérer la concurrence et de garantir à chaque individu les moyens de sa subsistance, de corriger les injustices de la sélection naturelle au cours de la « lutte pour la vie » : le fort ne doit pas écraser le faible ; de corriger les injustices sociales en général, de sécuriser la vie. Les traits éthiques du système économique africain kmt « traditionnel » dont nous venons d’indiquer les grandes lignes, laissent entrevoir une complète opposition entre ce système et le système économique capitaliste occidental qui fut transposé en Afrique kmt à la faveur de la colonisation.

En effet, le fondement éthique du capitalisme occidental est l’ordre naturel (la loi naturelle : entendu la sélection naturelle) et l’individualisme : chaque individu ne doit rechercher que ses intérêts propres, et c’est ce faisant que les individus sont le plus utiles les uns autres ainsi qu’à l’ensemble de la société, si l’on en croit l’idéologie capitaliste. C’est donc « chacun pour soi et dieu pour tous » ; par ailleurs, l’initiative ainsi que la responsabilité de l’individu s’élèvent au rang de valeur morale justifiant que chacun puisse poursuivre la finalité de gain maximum absolue. Ce système économique est enfin caractérisé par le culte de la compétition et donc de l’émulation. C’est pour cela que les économistes le qualifient d’économie de libre concurrence.

Ainsi, le système économique africain précolonial et le système économique capitaliste occidental sont fondés sur deux cultures, philosophies sociales et vision du monde opposées. Ils coexistent cependant au sein de la société négro-africaine actuelle. Pour cela on qualifie l’économie négro-africaine actuelle de dualiste. Toutefois, bien que les négro-africains actuels restent tiraillés entre les deux systèmes, à l’examen, le schéma culturel dominant demeure celui du système économique négro-africain précolonial quand bien même il est plus ou moins altéré. Pour cette raison, c’est dans les dispositions de cette organisation socio-économique qu’il faut rechercher la source première d’un certain nombre de difficultés actuelles de l’Afrique kmt.


Economie de monopole, frein au progrès.

Nous avions vu à travers les récits des visiteurs étrangers précoloniaux (Voir Ph. Seti : L’économie négro-africaine précoloniale, Africamaat.com) que l’opulence, mais également l’ordre, la justice et la sécurité caractérisaient la vie socio-économique négro-africaine précoloniale. Ces caractéristiques traduisaient sans conteste le succès de l’organisation économique et sociale kmt traditionnelle.

Cependant, certains des mécanismes sur lesquels celle-ci est fondée, au rang desquels le système de caste de professions héréditaires et la philosophique maatique, tendaient à la condamner au dépérissement tôt ou tard. Incontestablement, toutefois, l’organisation en castes de professions héréditaires assortie du principe d’entraide mutuelle, d’assistance du fort au faible, a corrigé les injustices de l’ordre naturel et sécurisé la vie dans l’Afrique kmt. Jusqu’à un certain degré, en effet, l’insécurité, l’angoisse, l’incertitude, les aléas... du future proche et lointain etc. qui sont liées à l’isolement des individus, à la vie individualiste ont été éliminés : celui dont les moyens de subsistance venaient à s’épuiser se voyait pris en charge par les autres et n’avait rien à craindre pour son existence. Le revers est cependant les nombreux effets pervers, sources notables de difficultés aujourd’hui encore en Afrique kmt.

En effet, en sécurisant complètement la vie, en éliminant les angoisses dues aux aléas, aux incertitudes du futur, l’assistante du fort au faible et l’entraide mutuelle ont fini par éliminer le temps future des préoccupations du négro-african : le négro-africain s’inquiète très peu du futur, procède à très peu d’anticipations sur sa vie socio-économique de moyen et long terme et reste confiné dans le temps présent où sa vie se déroule en permanence. Peut-il ainsi relever les défis à lui lancés par le monde moderne où c’est aujourd’hui que l’on travaille pour la société qui sera dans 20, 30, ou 40 ans plus tard ? Par ailleurs, les castes de profession héréditaires, parce qu’ils ont conduit à créer une économie et une société de monopoles, avaient supprimé du coup la concurrence qui est l’un des facteurs fondamentaux de progrès, entendu qui poussent vers l’avant l’économie et la société. Mais pire, le cadre monopolistique avait supprimé l’émulation (à savoir le comportement suivant : lorsque tu fais mieux que moi je vais essayer de te dépasser), qui demeure le facteur principal à travers lequel la concurrence engendre le progrès. Ainsi, à long terme, au cours des siècles et des millénaires, avec l’éducation résultant de ce cadre monopolistique, la jalousie et l’envie vont se substituer à l’émulation et commencer à miner progressivement la société : le comportement va alors devenir : lorsque tu fais mieux que moi je vais essayer de t’empêcher de progresser plutôt que de chercher à te dépasser. Les survivances d’un tel comportement monopolistique qui se révèle un véritable tombeau du développement ne sont que trop perceptibles dans les sociétés négro-africaines actuelles.

En outre, dans la société de castes de professions héréditaires, les efforts des individus devraient tendre, dans l’accomplissement des tâches, à égaler les performances originellement enseignées par la divinité à leurs ancêtres. Il en résultait au moins deux écueils majeurs : d’abord, progressivement et au fil du temps, s’imposait la croyance que l’innovation n’était pas fondamentalement le fait des hommes, mais seulement des dieux ; ensuite, la croyance que les hommes ne devraient pas chercher à innover, mais se contenter de reproduire les techniques, à eux légués par leurs ancêtres. En conséquence, les progrès ont de fait été lents, en matière d’innovation, en Afrique kmt, dans le temps, depuis l’époque précoloniale.

Il importe enfin de souligner que dans les sociétés négro-africaines contemporaines, malgré la disparition des castes de professions héréditaires, l’esprit qui les animait persiste. Persistent également nombre d’implications majeures de cette organisation socio-économique ancienne, notamment l’absence de culture de compétition, de concurrence et d’émulation qui sont autant de facteurs endogènes de régression. Cette absence d’émulation empêche même les pays négro-africains de voir ce qui se passe ailleurs dans le monde, de prendre part à la compétition mondiale et ce sur tous les plans : elle conduit simplement à une sorte d’auto retrait du monde, et donc d’auto - condamnation à demeurer en arrière ! Pouvons-nous relever de cette façon le défi mondial auquel nous sommes confrontés aujourd’hui ?


La philosophie maatique de l’organisation socio-économique précoloniale : source majeure de la décadence négro-africaine

La même remarque peut être faite à propos du principe d’assistance du faible au fort et d’entraide mutuelle qui fondent l’organisation socio-économique négro-africaine précoloniale.

En effet, en apportant aux individus une sécurité sociale et matérielle quasi absolue, en les mettant à l’abri de tout soucis d’ordre matériel, parce que les individus peuvent à tout moment compter sur l’assistance des autres, cette organisation, fort louable, a fini progressivement avec le temps (à long terme comme disent les économistes) par engendrer des effets pervers importants dont les survivances sont largement visibles chez les négro -africains actuels. Mentionnons, entre autres, le népotisme et l’irresponsabilité.

Népotisme : par exemple, parce que « l’assistance du fort au faible » s’applique d’abord au sein de la famille (qui reste très large chez les kmt), on constate que fréquemment aujourd’hui, dans les administrations publiques, les entreprises publiques (mais aussi les entreprises privées), les responsables, les cadres, tous les mieux lotis, « assistent » les leurs (parents, membres du clan etc.) en leur réservant des emplois, peu importe que ceux-ci correspondent à des besoins réels ou à la qualification des individus. De ceci, résultent un sacrifice de la notion du travail bien fait, de la rigueur au travail, de la recherche de la performance dans l’accomplissement des tâches etc. Toutes choses qui finissent par déboucher sur un sacrifice des rendements (la production individuelle et collective) et une minimisation de la richesse collective. Pouvons-nous prendre part de cette façon à la bataille économique mondiale moderne ? Irresponsabilité : appliqués à outrance, le principe de « l’assistance du fort au faible » et de « l’entraide mutuelle » dégénèrent en une négation pure et simple de l’initiative et de la responsabilité individuelles ; en effet, devant tout problème, comme on le voit aujourd’hui en Afrique kmt, les individus ont tendance à chercher d’abord comme solution l’aide des autres (alors que le problème demeure !) ; la prise en charge de soi par le travail et l’effort personnel est alors remplacée par le parasitisme : compter sur autrui ou vivre au crochet d’autrui (parents proches ou lointains mieux lotis) ; d’où pour la collectivité, l’ensemble de la société, un effort productif global plus faible que ce qui aurait dû être, entraînant du coup une richesse plus faible ; cette irresponsabilité prend des proportions ahurissantes lorsqu’on se rend compte qu’une « foi en l’aide des autres » s’est progressivement instaurée, poussant les individus à tout attendre des autres, de l’Etat ou de la collectivité, tandis que l’Etat attend tout de l’extérieur (aide, coopération etc.) pour répondre à ses besoins et solutionner ses problèmes. On débouche en définitive sur une société déresponsabilisée où individus et Etat sont convaincus que c’est seulement « l’extérieur » (ou même l’extérieur seul !) qui doit ou est en mesure de résoudre leurs problèmes comme cela s’observe à l’heure actuelle en Afrique kmt : c’est une démission collective qui entraîne la stagnation ou la régression économique et sociale. Le développement des négro-africains ne peut reposer ni sur la coopération externe, ni sur l’aide de l’extérieur ! Seuls les filles et fils kmt l’assureront !

Bien que l’entraide mutuelle et le principe d’assistance du fort au faible aient tendance à figer de la sorte la société et l’économie, c’est cependant le triptyque Amour-Vérité-Justice, dont ils ne sont que le corollaire qui a précipité la chute de la société négro-africaine. En effet, bien que nous sachions, comme le souligne l’historien allemand Léo Frobénius par exemple, que ce furent les conquistadors européens qui avaient mis à sac l’économie et la société négro-africaines aux temps de la traite négrière et de la colonisation, il nous faut cependant nous poser au moins une question : pourquoi nos ancêtres n’ont pas anticipé le fait que les fabuleuses richesses (naturelles et produites) dont ils disposaient et qui étaient devenues une légende dans le monde entier à l’époque (Voir Ph. Seti : L’économie négro-africaine précoloniale, Africamaat.com), allaient tôt ou tard attirer la convoitise des brigands qui les entouraient et qu’en conséquence il leur fallait prendre toutes les mesures qui s’imposaient pour protéger cette richesse et leur pays ? Par ailleurs, comment expliquer que nos ancêtres qui avaient pourtant subi par le passé, depuis kmt, des assauts récurrents des peuplades qui les entouraient tels les hyksos, les assyriens etc. aient réussi la prouesse de s’être faits surprendre de nouveau par les flibustiers du 15 ème au 19 ème siècle ?

Si nous admettons que nos ancêtres n’étaient pas des moutons (ce que je crois profondément), comment expliquer alors qu’ils se soient faits coiffer régulièrement par les hordes venant de l’étranger jusqu’à la destruction quasi-totale de leur société, autrement que par l’aveuglément résultant de leur propre philosophie de la vie, de leur propre vision éthique et du monde ? C’est pour cela que nous indexons principalement, le triptyque Amour-Vérité-Justice, principe religieux fondateur du système d’organisation économique, social et éducatif négro-africain : forcément les tares du comportement des individus que nous venons d’évoquer sont celles de cette philosophie fondamentale.

Comme nous l’avions déjà expliqué (voir article sur africamaat.com : Traite négrière européenne : la marche du souvenir et du repentir : une marche de pacotille ?), la mâat a aveuglé nos ancêtres. En effet, préoccupés uniquement par son application parfaite, afin d’avoir le cœur le plus léger possible pour que ce dernier puisse équilibrer la plume de Mâat au tribunal d’Osiris, nos ancêtres n’avaient plus les yeux ouverts sur les réalités du monde qui les entouraient ; leur comportement était déconnecté des réalités du monde qui les entouraient parce que n’étant qu’un comportement religieux et donc irrationnel par essence ; en particulier, nos ancêtres n’appréciaient plus à leur juste valeur l’hostilité, la volonté et la capacité réelles de nuisance des peuples qui les entouraient, préoccupés qu’ils étaient d’aimer les êtres humains, d’êtres justes et de servir la Vérité. Nos ancêtres se sont ainsi adonnés sans discernement au culte de l’amour universel, prenant même les brigands qui les entouraient pour « des êtres humains à aimer à tout prix ». De là nos ancêtres vont s’installer définitivement dans un culte sans borne de l’hospitalité et de l’étranger , même envers les flibustiers ! En conséquence la garde est baissée au plus bas, les dangers venant de l’extérieur sont faiblement perçus et alors la question cruciale de la protection et de la sécurité de leurs biens, de leurs enfants, d’eux-mêmes, de leur pays n’a été qu’inadéquatement abordée et traitée. Du coup ce fut une société à la merci des hordes étrangères qu’ils avaient bâtie ; la porte leur était d’ailleurs grande entrouverte. Peut-on vraiment s’étonner de l’aboutissement que nous connaissons aujourd’hui ?

En tout cas, la question de la sécurité militaire des négro-africains reste plus que jamais posée ; à l’heure actuelle rien ne nous met à l’abri d’un retour prochain des prédateurs : s’ils décident aujourd’hui de reprendre la traite négrière et la colonisation des pays négro-africains qu’est-ce qui peut véritablement les en empêcher ?

C’est donc désormais à la révision de leur éthique et de leur vision du monde que les négro-africains contemporains doivent s’atteler ; cette révision doit déboucher sur une adaptation nécessaire à l’environnement mondial dans lequel nous baignons : vivre déconnecter de son environnement n’est qu’un suicide ! L’ordre mondial qui s’était imposé depuis le 15 ème ne tolère pas cela : il a horreur des faiblesses comme celles dont font montre les négro-africains de part le monde : l’agneau qui a coutume de faire sa sieste au pays des loups ne devient-il pas un provocateur ?

Cependant que les négro-africains se rassurent : bien que nous ayons accumulé des handicaps importants du fait de notre propre vision du monde, ces handicaps ne sauraient être irréversibles. Seule l’ignorance des sources réelles de nos difficultés est en mesure de rendre ces handicaps irréversibles. C’est pourquoi il importe de poursuivre sans complexe, et de nous atteler sans relâche à, cette tâche de recherche approfondie des sources de nos difficultés, de recherche des voies et moyens de leur correction en vue de répondre aux défis modernes et d’assurer notre progrès. Nous avons, aujourd’hui, plus que jamais besoin de savoir mourir pour mieux renaître.



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